2009-08-03

Mordillat - Prieur, "Jésus sans Jésus"



Gérard Mordillat en Jérôme Prieur zijn twee redacteurs bij de Frans-Duitse cultuurtelevisiezender Arte. Bekend zijn ze vooral door een paar reeksen rond de bijbel en het ontstaan van het christendom, te beginnen met Corpus Christi in 1997 over het lijdensverhaal. Deze series monden ook telkens uit in een publicatie. Jésus sans Jésus is het boek dat voortvloeide uit een reeks over de Apocalyps in 2008.
Hun docu's bestaan grotendeels uit fragmenten van interviews met een groot aantal kenners, exegeten, theologen, historici uit diverse hoeken. Deze manier van werken verrast nu en dan hun gesprekspartners, zoals blijkt uit de kritische taal in het wikipedia-lemma dat aan dit duo is gewijd.

Toch is dit een fascinerend boek. Hoewel ze niet bang zijn om conclusies te trekken of een stelling in te nemen, gaat het er deze beide heren niet om een kruistocht te houden tegen de religie in het algemeen of het christendom in het bijzonder. Dit is niet het zoveelste pamflet dat nu eindelijk eens de waarheid zal onthullen of het grote complot zal blootleggen. Het gaat enkel om een genuanceerd maar ongewoon beeld van de eerste vier eeuwen christendom.

Hoewel ik durf bekennen dat deze thematiek een stokpaardje van me is, voel ik me niet in staat de correctheid van dit ongewone, multidisciplinaire boek in te schatten. Maar ik heb het bijzonder graag gelezen. Hieronder volgen de passages die ik in het boek heb aangestipt. Ik schrijf ze gewoon over, zonder commentaar. Deze blog heet niet voor niets 'Work in Progress', en luidop lezen was van in het begin een van mijn bedoelingen ermee.

MORDILLAT, G. & PRIEUR, J.,
Jésus sans Jésus.La christianisation de l'Empire romain,
ed. Seuil/Arte 2008


13
(JC) est devenu le fondateur d'une religion à laquelle lui-même n'a jamais appartenu, ni même songé.

14
"Jésus annonçait le Royaume et c'est l'Eglise qui est venue" (cit. Alfred Loisy 1904)

19
L'émergence du christianisme n'a reposé sur aucun programme, elle s'est produite au milieu des soubresauts, des aléas, des hasards.


Chap.1 - Après la fin


22
Pas plus que les détails de la crucifixion, les évangélistes ne savent ce que sont devenus les disciples après l'arrestation de Jésus.

23
La résurrection de Jésus est foncièrement déroutante, quand elle ne fait pas rire, comme ... (cf. Act. 17,32)

28
Très étrangement, autant le mot christos, "christ", est surabondant dans tous les textes du Nouveau Testament, soit accolé au nom de Jésus, soit comme synonyme de ce nom, autant le mot "chrétiens", christianoï en grec, est rarissime.
    Jamais dans les épîtres de Paul, les écrits les plus anciens.
    Jamais dans les quatre évangiles.
    Trois occurences en tout: 1P 4,16 - Act. 11,26 - Act. 26,28

29
Notons que cette dimension multiple apparaît dans le judaïsme à partir de -350, au cours de la période du Second Temple, quand émerge l'idée d'un personnage eschatologique que l'on attend pour délivrer Israël à la Fin des temps.

34
Tacite semble bien informé. Pour la première fois, le lien est fait entre le condamné, crucifié en Judée dans les années 30, les chétiens et leur christ ...

39
Par conséquent, la foi chrétienne n'est pas une religio mais une superstitio. ... La foi chrétienne est une superstition au sens moderne, une fausse religion, une forme religieuse non civilisée, barbare, qui rejette les dieux de Rome et que ces derniers ne peuvent annexer.

42 cit. Maurice GOGUEL, naissance du christianisme, 1955
De tous ceux qui ont parlé des massacres de 64, Tacite est le seul qui les ait mis en relation avec l'incendie de Rome.

43
Or ni les évangiles (à partir de 60-70), ni les Actes des Apôtres (vers 80) ne soufflent mot de la mort des deux apôtres, ...

45
L'hypothèse défendue il y a une cinquantaine d'années par l'historien Charles Saumagne est qu'il existait dans les Histoires de Tacite, au livre V (dont une grande partie a disparu aujourd'hui), une notice virulente contre les chrétiens, mais sans aucun rapport avec l'incendie de Rome.
Au IVe siècle, c'st Sulpice Sévère qui, our justifier son propre récit des Chroniques, aurait rassemblé les deux passages de Tacite, insérant dans les Annales une notice contre les chétiens à l'intérieur du récit de l'incendie de Rome, faisant ainse d'une pierre deux coups.


Chap.2 - Demain l'apocalypse

48
C'est peu dire que l'Apocalypse est un brûlot antiromain, et l'exeption est de taille dans les écrits chrétiens !
En effet, dans la majorité des textes du  Nouveau Testament, la complaisance, voire l'obséquiosité, à l'égard du pouvoir politique est la règle sous-jacente. (cf. Rom. 13,1-2; 1P 2,13; Joh. 18,38)

51
C'est un texte de mobilisation, d'espoir, la promesse d'atteindre le Paradis quelles que soient les tribulations par lequelles il faudra passer.

54
Toujours présentes à travers le Nouveau Testament, les traces de cette attente de la Fin sont la mémoire vive de la prédication de Jésus  lui-même.

57
... mieux vaut accepter pour probable que l'Apocalypse de Jean, comme la plupart des apocalypses juives non canoniques, a été écrite dans la période troublée entre la chute du Temple de Jérusalem (en 70) et la révolte de Bar Kochba (134-135), et s'en tenir par hypothèse aux années 95, ...

68
Les adversaires de l'Apocalypse, ce sont Paul et les "pauliniens", les disciples de Paul qui, s'affranchissant des obligations du judaïsme et de ses règles, se proclament néanmoins "véritable Israël", héritiers de la promesse divine, propriétaires des Écritures, ...


Chap.3 - "Les chrétiens aux lions!"

76
Ce que Pline condamne chez les chrétiens, c'st leur insubordination, leur obstination. Pas leurs opinions religieuses.

80
Le martyre volontaire est une invention chrétienne.

83
Entre les trois monothéismes, le cercle est bouclée. Un cercle de sang dont la trace n'st toujours pas sèche aujourd'hui. ... Du livre des Maccabées au Coran en passant par le Martyre de Polycarpe, le dieu invoqué est toujours un dieu vengeur.

104
À la fin du IVe siècle, quand sera lançée la chasse aux hérétiques, lorsque les dissidents eront persécutés comme jamais les premiers chrétiens le l'ont été par les empereurs païens, l'Église va utilliser les récits de martyre pour faire écran à son intolérence, pour masquer qu'elle est devenue une instiitution persécutrice en exaltant son passé glorieux de sacrifices pour la foi.


Chap.4 - La guerre des textes

108
C'est dans ce contexte que l'évangile de Matthieu instrumentalise Jésus: Jésus devient, a posteriori, le porte-parole de la résistance antipharisienne.

116
Ainsi la Bible devient-elle un immense réservoir de figures qui vont servir aussi bien à la liturgie qu'à l'exégèse chrétienne, avec Tertullien au IIe siècle, avec Origène au IIIe siècle, avec Augustin au IVe siècle.

123
Marcion oppose ainsi à la tradition des Douze et de leurs successeurs une ligne de transmission directe de Jésus à Paul.

126
Avec Marcion, le christianisme accepte pour la première fois de se détacher de ses origines juives, de les oublier ...

127
A partir de Marcion, grâce à lui, en réaction contre lui, va se mettre en place un canon d'Ecritures chrétiennes, un recueil de textes qui donnera naissance au Nouveau Testament, par opposition à ce qui deviendra de fait l'"Ancien Testament".

129
L'Alliance change, l'identité du peuple élu aussi.
C'est la raison pour laquele la coïncidence ne saurait être totalement fortuite entre l'idée de canon du Nouveau Testament à la fin du IIe siècle et, du côté juif, la fixation de la Mishna (littéralement la répétition, le commentaire de la Torah) qui intervient vers 200, comme un effet de la compétition entre les deux religions, selon l'hypothèse que formule Guy Stroumsa: "Dans les deux cas il s'agit d'un texte secondaire, "nouveau" ou "répétition". Ce texte n'a de sens que lu parallèlement aux Ecritures, qui, de leur côté, ne trouvent leur siginification qu'à travers le prisme du nouveau texte.

133
... le Nouveau Testament aboutit à une solution paradoxale, il propose aux chrétiens un livre unique qui en contient plusieurs, une doctrine qui en recouvre plusieurs. Qu'y a-t-il de commun entre les judéo-chrétiens et les pagano-chrétiens? Entre le royaume d'Israël prêché par Jésus et l'envoi vers les nations promu par les Actes des Apôtres? Entre l'Apocalypse de Jean et les épîtres de Paul?
Rien, ou presque.
Ce sera l'un des atouts du christianisme d'avoir su être multiple bien avant d'être dominant.


Chap.5 - Les citoyens du ciel

145
Le salut ne provient pas de la foi, mais de la connaissance des secrets, de la connaissance de l'origine et de la fin des choses.

149
On pourrait dire que les montanistes vivent les yeux tournés vers le ciel tandis que les gnostiques vivent tournés vers l'intéreur d'eux-mêmes.

150
Tout au contraire, les intellectuels chrétiens, ceux dont le point de vue finira par prévaloir, veulent s'inscrire dans le monde terrestre, c'est-à-dire dans l'Empire romain.


Chap.6 - L'ombre de Constantin

186
Si l'on considère le faible nombre des chrétiens dans l'Empire au début du IVe siècle (les estimations évidemment très difficiles en la matière oscillent entre 3% et 5% de la population, 10% pour les plus généreuses, dont la majorité dans la partie orientale du territoire, Egypte, Palestine, Syrie, Asie Mineure), l'engagement de Constantin envers le christianisme était, en tout cas, risqué.

187
Même s'il a eu des visions, Constantin n'est pas un mystique. Même s'il préside le concile de Nicée, ce n'est pas un théologien. Même si le néoplatonisme et son idée d'un être suprême l'influencent, il n'est pas non plus un philosophe. Constantin n'est pas davantage un ascète ou un homme pieux que la dimension spirituelle du christianisme fascine.

193
Régissant les corps et les âmes, par la fortune de ses armes, par la mise en place d'un nuvel ordre moral, par l'enracinement de l'Eglise dans l'Empire, Constantin a certainement pu se voir comme un homme providentiel, un de ces hommes persuadés d'être appelés à changer le sort de l'humanité : Lénine ou Trotski, dit Paul Veyne, ne penseront pas autrement.

194
..., la littérature et le théâtre se sont bien peu intéressés à lui, encore moins le cinéma, alors que son regne a été exceptionnellement long et mouvementé.

On dirait que Constantin est un témoin gênant - il en est ainsi au moins depuis le concile Vatican II.
Gênant parce que Constantin a assisté à l'essor officiel et politique du christianisme. Gênant parce qu'il l'a pensé, voulu, organisé. Gênant parce que c'est sa main et non celle de Dieu qui a donné au christianisme la place qu'il occupe désormais.


Chap. 7 - L'empire de la vérité

196
Depuis l'époque de Jésus, depuis la destruction de la ville lors des deux guerres juives de 70 et 135, depuis sa reconstruction comme Aelia Capitolina, Jérusalem, transformée en ville romaine, avait beaucoup changé.
... en réalité personne n'était capable de localiser ces lieux autrement que par ouï-dire.

197
Hélène accomplit parfaitement sa mission, elle "invente" les lieux saints au sens premier du terme: elle les découvre, elle les crée.

203
Aux interdictions professionnelles qui renforceront la nécessité d'être chrétien, viendra s'ajouter, dans les décennies suivantes, le travail de terrain mené par les missionnaires.
Un travail accompli surtout hors des cités.

207
Le principal ennemi d'un chrétien n'est ni juif ni païen. C'est un autre chrétien. Un chrétien qui ne pense pas le christianisme comme le courant dominant. L'ennemi de l'intérieur, "l'hérétique".

210
Priscillien est décapité à Trèves en 386.
Il aura ainsi le redoutable honneur d'être la première victime chrétienne du christianisme, le premier martyr d'une nouvelle espèce: le martyr chrétien exécuté par d'autres chrétiens.

222
Augustin désolidarise le couple Eglise/Etat pour penser l'ordre du monde, sa diversité, sa multiplicité, son universalité, sur d'autres bases et distinguer clairement le rôle de Dieu des contigences militaires et politiques. Dieu se tient à distance du monde.

225
En méconaissant la perspective eschatologique qui unit les deux cités, les autorités ecclésiastiques voudront confondre la cité céleste avec l'Eglise et la cité terrestre avec l'Etat.


Chap.8 - En attendant Jésus

228
Jésus ne pensait pas que le monde continuerati au-delà de sa génération. Son horizon ne dépassait pas une vie humaine, la sienne. "Il faut donc admettre, ajoutait Schweitzer, que la religion d'amour de Jésus est apparue lors d'une attente imminente de la fin du monde", en raison même de cette imminence.

232
L'Eglise, pratiquant avant la lettre l'aïkido, a même su, plus que toute autre organisation, retourner à son profit la force de ses adversaires.

234
Très tôt - on en trouve la trace dans les épîtres de Paul comme dans les Actes des Apôtres -, le christianisme a mis en place des systèmes d'aide aux plus démunis, aux veuves, aux orphelins, un type de solidatité et d'assurance dont on peut voires des équivalents fonctionner aujourd'hui dans l'islam à travers les oeuvres sociales du Hezbollah ou du Hamas.

235
Contrairement à une idée fausse, l'oral ne primait pas dans la communication entre les groupes: on écrivait beaucoup dans l'Antiquité.

236
Jésus a été "écrit".
Son inscription dans les textes a enraciné son inscription dans l'histoire.

239
Marcel Simon avait raison de souligner que l'art est entré dans le christianisme "par la petite porte", mais une fois qu'l y est entré son développement a été irrésistible.

241
On peut distinguer trois grandes orientations dans l'iconographie chrétienne. Une orientation de foi: ce sont des images pieuses devant lesquelles on prie et l'on se recueille (comme les icônes); une orientation pédagogique: ce sont des images qui illustrent les saintes Ecritures (même si la plupart des motifs sont tirés du Protévangile de Jacques, un apocryphe très romancé datant du IIe siècle, et de La légende dorée écrite au XIIIe siècle par Jacques de Voragine); une orientation idéologique, où les images interprètent visuellement les textes et en fournissent une lecture acceptable pour les doctrines de l'église.

244
Il est impossible de dénombrer les toiles, les fresques, les basreliefs, les gravures, les illustrations qui caricaturent les juifs: nez crochus, oreilles disproportionnées, ongles longs (et sales), dents cariées, jusque dans les délires cinématographiques de Mel Gibson, ultime avatar de ce courant antisémite de l'Eglise, réfugié dans la lecture littérale et foncièrement anachronique du texte des évangiles.

248
... les évangiles ne peuvent pas dissimuler que ce sont bien les romains qui ont exécuté Jésus... Mais les juifs ne sont pas devenus chrétiens, et les Romains, que les textes ont cherché très vite à rassurer, se sont convertis.

Des siècles après, en 1543, dans son livre Sur les juifs et leurs mensonges, Luther décuple la haine.

250
Il est aisé de comprendre pourquoi il a fallu longtemps pour que des chercheurs juifs israéliens comme ... brisent le tabou qui pesait sur le Nouveau Testament, étudiant les écrits chrétiens comme des témoignages précieux sur le judaïsme des deux premiers siècles, à un moment où la littérature juive était pratiquement muette.

255
Il faut incontestablement distinguer l'Eglise dans son action pastorale ou individuelle (où des hommes et des femmes admirables se sont donnés corps et âme à la cause de Jésus en se vouant à ceux que la société rejetait) et son acitivité institutionnelle, où elle a été, de tout temps, en tous lieux, l'alliée de toutes les monarchies, de toutes les tyrannies, de toutes les dictatures.

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